lundi 26 mai 2014

Carte des aéroports et diagramme de Voronoï…

Vous allez me dire: quel rapport? A priori aucun, surtout quand on ne se sait pas qui est Voronoï.


Monsieur Georgi Fedoseevich Voronoï est un mathématicien russe (1868 – 1908) à l’origine du diagramme éponyme. Ce type de diagramme représente une décomposition particulière de l’espace: il permet de diviser une surface en polygones dont les barycentres sont équidistants. Je vous fais grâce de la formule mathématique qu’il y a derrière et qui fait tourner le modèle.


Le résultat est en tout cas, ici, très esthétique! Cette belle carte (créée par le cartographe Jason Davies), permet de mieux comprendre le concept: elle montre l’aéroport le plus proche de chaque point de la surface de la terre. Seuls les grands aéroports avec des services réguliers sont représentés ici. L’aéroport le plus isolé est donc l’aéroport international de Mataveri sur l’île de Pâques, dans le Pacifique sud. Il y a en fait des aéroports en Antarctique, mais ils ne sont pas pris en compte car trop petits.


Pour l’anecdote, le médecin britannique John Snow (les fans de Game of Throne apprécieront) a utilisé un diagramme de Voronoï en 1854 pour montrer que la majorité des personnes mortes dans l’épidémie de choléra de Soho vivait plus près de la pompe infectée de Broad Street que de n’importe quelle autre pompe.


La même carte mais interactive est visible sur le site web de Jason Davies, ici.



Carte des aéroports et diagramme de Voronoï…

Article publié sur le blog du site web de Pacha cartographie

dimanche 11 mai 2014

Dessiner l'autisme: un voyage virtuel dans l'esprit des enfants atteints d'autisme.

Un article qui n’est pas directement lié à la cartographie mais qui, si on y réfléchit bien, s’en rapproche.  Vous allez y voir des œuvres d’artistes atteints d’autisme qui sont finalement des cartes psychiques de la maladie, des portes ouvertes sur la manière de voir de ses personnes enfermées dans leur monde. J’ai toujours été assez fan de l’art brut ou l’art naïf qui correspondent pour moi à un art naturel et spontané, débarrassé de toute la prétention dans lequel il baigne généralement…


Perception des formes, monstres apprivoisés et  humble invitation à voir le monde différemment; voici ce à quoi nous invite “Drawing autism”, ce très bel ouvrage1 de Jill Mullin, analyste du comportement basée à New York, avec une préface de la célèbre Temple Grandin, autiste et professeur à l’université du Colorado.


L’ouvrage regroupe une cinquantaine d’œuvres d’artistes et d’enfants qui vivent quelque part dans le large spectre des maladies autistiques et qui nous font partager leur incroyable sens créatif et leur vision du monde. En effet, malgré le stéréotype de l’esprit autiste perçu comme une machine de calcul méthodique (effet Rain man?), une grande partie de sa magie réside dans sa capacité d’expression créative.


Quelques extraits:


Kay Aitch Perdu dans ses pensées Kay Aitch Perdu dans ses pensées


Pour l’artiste Kay Aitch, dont l’autisme a été diagnostiqué à l’âge de cinquante et un an, le processus créatif participe de la reconnaissance des formes: “Tout autour de moi me pousse à créer de l’art. Ce qui m’inspire sur la création c’est le processus de prise de notes, la sensation des choses, de voir les formes et les motifs dans les choses“.


Eleni Michael Danse avec le chien Eleni Michael Danse avec le chien


Eleni Michael: “Cette œuvre a été peinte en 1995, peu de temps après avoir emménagé dans un logement pour les personnes ayant des besoins spéciaux. J’étais euphorique de ma nouvelle maison: un appartement autonome entouré d’un grand jardin dans un cadre rural (cette idylle ne dura pas longtemps). J’ai emmené avec moi mon chien Jasper. C’était le seul animal présent et il a apporté beaucoup de joie à tout le monde: moi et tous les résidents. . Ils l’aimaient aussi et aimaient jouer avec lui et le caresser. Jasper était une présence saine qui donnaient son amitié sans discrimination”. 


Emily L. Williams les années bissextiles Emily L. Williams les années bissextiles


Selon Temple Grandin  ces talents doivent être soigneusement entretenus et dirigés. Elle écrit dans la préface: “Quand j’étais enfant, ma mère a nourri ma capacité artistique. J’ai toujours été encouragée à dessiner de nombreux sujets différents. En tant qu’adulte, j’ai utilisé mon talent artistique pour mon entreprise de conception d’installations de manutention. Une des leçons que ma mère m’a apprise et qui m’a vraiment aidé à développer mes compétences était de créer des images que d’autres personnes pourraient vouloir. À l’école primaire, je dessinais beaucoup de photos de chevaux. Les personnes autistes sont souvent obsédées par leurs objets préférés. Comme une enfant, je voudrais continuellement dessiner les mêmes choses encore et encore. La grande motivation de ces fixations a été canalisée dans la création de tous les magnifiques travaux qui se trouvent  dans ce livre.


Des œuvres du savant Gregory Blackstock, artiste autiste et dessinateur compulsif, dont la spécialité est l’inventaire, sont également présentes.  Ci-dessous: boules/ballons. (D’autres œuvres ici)


Gregory Blackstock les boules Gregory Blackstock les boules


Motifs répétitifs et taxonomies visuelles sont en fait une caractéristique récurrente de nombreuses œuvres. Par exemple cette magnifique liste visuelle d’oiseaux (de David Barth, 10 ans):


David Barth Oiseaux David Barth Oiseaux


Quelques autres extraits de l’ouvrage:


Kevin Hosseini New York la nuit Kevin Hosseini New York la nuit


 


Eric Chen Mind Mirror (1) Eric Chen Mind Mirror (1)


Eric Chen Mirror esprit (2) Eric Chen Mirror esprit (2)


Eric Chen Mirror esprit (3) Eric Chen Mirror esprit (3)


Eric Chen Mirror esprit (4) Eric Chen Mirror esprit (4)


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


Certaines de ces œuvres mélangent symbolisme universel avec expériences personnelles. Au sujet de son œuvre (ci-dessous), l’auteur explique:


“Il s’agit d’un fragment d’un ensemble plus grand qui encore à compléter. L’ensemble est lui-même une première partie d’un triptyque qui a pour thème les unités psychiatriques, en utilisant symboliquement l’enfer comme une analogie. Les démons de la pièce rappellent ceux des œuvres du XIIe siècle représentant l’enfer et le Jugement dernier. Aussi cette toile a été inspirée par certains de mes propres séjours passés à l’hôpital. Bien que je n’ai jamais été suicidaire, j’ai toujours trouvé  bizarre qu’on ne puisse avoir aucun  des éléments cités dans le titre de cette œuvre (ici: rasoir, lacets et ceinture). J’ai compris la logique et le risque pour les patients suicidaires, mais néanmoins toujours trouvé étrange de se promener en chaussures avec la langue pendante ou d’avoir les jambes non rasées.”


Wil C. Kerner Pals Wil C. Kerner Pals


Pour Wil C. Kerner, 12 ans, c’est sa grand-mère qui explique l’inspiration derrière cette œuvre:


La clé pour comprendre Pals c’est l’oreille d’âne, blanche et marron.  Les quatre expressions faciales représentent les mauvais garçons se transformant en ânes dans le film Pinocchio.  Le visage violet de Pinocchio est surpris par sa nouvelle oreille et se demande quoi faire. Il est trop tard pour le visage horrifié en jaune; le trapèze vert est inconscient de son sort et la tête bleue regarde au loin, espérant ne pas être inclus.


Si ce type d’art, naïf et non formaté, vous plait vous pouvez faire un tour à la Halle Saint Pierre à Paris, haut lieu de l’art brut et très bel endroit pour boire un café.


Allez pour finir une petite citation de Jean Dubuffet:


” L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle.”


 


1: Ouvrage déjà sorti il y a 3 ans mais qui ressort ici en version plus complète. Si vous souhaitez vous le procurer vous pouvez voir ici.



Dessiner l'autisme: un voyage virtuel dans l'esprit des enfants atteints d'autisme.

Article publié sur le blog du site web de Pacha cartographie

dimanche 4 mai 2014

el nino, le retour de l'enfant terrible du climat

Cela faisait quelques années qu’on ne l’avait plus vu mais il est de retour en 2014, et en pleine forme, je veux parler de l’enfant terrible du climat: el nino.  Bon il n’avait pas totalement disparu puisque c’est un phénomène cyclique (d’une périodicité de 6 à 10 ans) mais il devrait, cette année, être particulièrement virulent!


Tout d’abord un petit rappel: el nino (littéralement courant de l’”Enfant Jésus”, car il apparaît peu après Noël), désigne à l’origine un courant côtier chaud au large du Pérou mettant fin à la saison de pêche. Il désigne maintenant, par extension, un phénomène climatique particulier qui se caractérise par des températures anormalement élevées de la surface de l’eau (environ 10 mètres) dans la partie Est de l’océan Pacifique Sud (bien visible sur la carte ci-dessus).


Techniquement, el nino est la conséquence régionale d’une perturbation dans la circulation atmosphérique entre les pôles et l’équateur. Son apparition déplace les zones de précipitations vers l’Est de l’Océan Pacifique et empêche la remontée d’eaux froides le long de la côte de l’Amérique du Sud, ce qui coupe la source de nutriments pour la faune de ces eaux et nuit considérablement à l’industrie de la pêche. Sans que l’on soit encore capable d’expliquer toutes les relations physiques, el nino a le pouvoir de dérouter les cyclones tropicaux de leurs routes habituelles, de déplacer les zones de précipitations et de sécheresse ainsi que de modifier localement le niveau de la mer par le changement de la pression moyenne. Il n’est donc pas à prendre à la légère…


Le point positif par rapport à el nino c’est qu’il est prévisible, plusieurs mois à l’avance. Le point négatif c’est que cette année les météorologues sont de plus en plus convaincus qu’il sera particulièrement fort, car, à plusieurs mètres sous la surface de l’Océan Pacifique, on observe des masses d’eau exceptionnellement chaudes:


El Nino - Masse d'eau chaude


La zone rouge représente une énorme masse d’eau chaude (de la taille des Etats-Unis) qui se trouve aujourd’hui à une centaine de mètres sous la surface. Les alizés (actuellement inversés, une autre facétie d’el nino) poussent cette nappe vers l’Est et vers les zones d’upwelling, où les eaux remontent à la surface. Et c’est dans ce cas de figure précis, lorsque ces eaux entrent en contact avec l’atmosphère que les dérèglements climatiques interviennent…


Le dernier grand épisode el nino est celui de l’hiver 1997-98, responsable du pic de chaleur planétaire qui reste le point d’orgue du réchauffement climatique contemporain. A contrario, ces dernières années étaient plutôt sous la coupe de “la niña”, petite sœur “miroir” d’el nino, ce qui explique en partie le ralentissement du réchauffement climatique et le retour à des hivers froids classiques dans l’hémisphère Nord.


Actuellement, l’eau est d’une température égale à celle de ce pic de 1997-98 qui avait engendré environ 35 milliards de dollars de dégâts et la mort de 23 000 personnes (source: Université de Nouvelle-Galles du Sud).


Si el nino nous rend visite (ce qui n’est pas encore tout à fait certain) on peut s’attendre à des conséquences importantes sur les sociétés du pourtour de l’Océan Pacifique: la sécheresse actuelle en Indonésie serait amplifiée, ainsi que les violents incendies qui ravagent l’Australie. Par contre, la Californie qui est actuellement sujette à de fortes sécheresses pourrait voir ses prières exaucées avec l’arrivée de précipitions importantes. Le tout étant qu’elles ne le soient pas trop et n’aboutissent pas aux importantes inondations concomitantes d’el nino lors des hivers 1982-83 et 1997-98…


Un article un petit peu catastrophiste cette semaine, mais on se rassure facilement en gardant en mémoire la grande exactitude de la science météorologique…



el nino, le retour de l'enfant terrible du climat

Article publié sur le blog du site web de Pacha cartographie