lundi 31 mars 2014

Le continent perdu de Mu

L’article de ce soir rejoint celui de la semaine dernière sur les cartes des paysages imaginaires d’Umberto Eco mais à la différence que celui-ci est tellement utopique qu’il est difficile de trouver une carte convenable… 


Carte de Mu dechurchwood Une carte de Mu selon churchwood


Mu est un continent englouti mythique (puisque disparu) qui trônait fièrement au milieu de l’océan pacifique et qui est parfois confondu avec la Lémurie ou avec Thulé, la mythique patrie des Hyperboréens.


Il était l’hôte d’une civilisation avancée qui auraient répandu sa technologie avancée dans le monde entier en influençant  directement les  sciences chinoises et les cultures américaines indigènes. Ce peuple serait donc notamment à l’origine des nombreuses pyramides disséminées dans le monde (Égypte, Mexique, Chine..), des statues de l’île de Pâques ou encore de la troublante pyramide sous marine de Yonaguni. Cette “terre d’origine” aurait été détruite par des tremblements de terre successifs et des éruptions volcaniques (ou la colère des dieux) et l’Océanie, Hawaï et l’île de Pâques en serait des vestiges…


La première mention de Mu est à mettre au crédit du missionnaire français Charles Étienne Brasseur de Bourbourg (1814-1874) qui affirme avoir réussi à traduire le Codex Tro-Cortesianus (écrits Maya) en 1869 où est fait mention d’un ancien continent nommé Mu (traduction qui est aujourd’hui reconnue comme purement fantaisiste).


Codex Trocortesianus Le codex Trocortesianus


Les croyances contemporaines autour de Mu ont également été largement popularisées dans la première moitié du 20ème siècle par James Churchward dans ses livres « Les enfants de Mu ” (1931), « Le continent perdu de Mu ” (1933) et « Les symboles sacrés de Mu ‘ (1935).  Ce dernier y affirme que des tablettes dénichées en Indes et au Mexique, puis traduites par un vieux prêtre, dernier représentant de la secte Naacale, héritière des connaissances muennes. Ces tablettes lui auraient fourni la preuve que Mu est la source de toute civilisation (avant même l’Atlantide)!


Tablettes Naacales Les tablettes Naacales


A quoi ressemblait Mu? Selon Churchward, Mu était un Jardin d’Eden peuplé de 64 millions de Naacals. Cette civilisation aurait atteint son apogée en 50.000 AVJC avec une technologie plus sophistiquée que la nôtre et des colonies sur les restes desquelles seraient bâties les anciennes civilisations indienne, babylonnienne, égyptienne, perse et maya.


Aujourd’hui l’idée de Mu ne conserve quasiment aucune valeur scientifique sérieuse et se cantonne à la sphère des croyances New Age. Dans les années 1930 cependant, Atatürk promu la recherche sur Mu dans l’espoir d’établir des connexions entre la Turquie et les (autres) cultures anciennes, y compris les cultures amérindiennes que Maya et Aztèque.


Mu reste également un sujet populaire dans la littérature, la bande dessinée, la télévision. Le mythe de Mu apparaît par exemple dans diverses œuvres de H.P. Lovecraft notamment autour de Cthulhu qui “rêve et attends” dans la cité engloutie de R’lyeh (située dans les ruines de Mu?).


Autre référence: le symbole de la plume dans un cercle qui figure sur la pochette du quatrième album de Robert plante est une référence directe à la civilisation de Mu.


 


D’autres infos, plus précises mais aussi un peu moins objectives ici



Le continent perdu de Mu

Article publié sur le blog du site web de Pacha cartographie

mardi 25 mars 2014

Les cartes alimentaires de Henry Hargeaves

Dans sa série “food maps” l’artiste et photographe Henry Hargeaves, ici en collaboration avec la styliste culinaire Caitlin Levin (sympa comme boulot), nous fais voyager de pays en pays et de continents en continents à travers leurs aliments emblématiques.


Ces cartes, assemblées à la main et construites avec de vrais aliments, sont particulièrement esthétiques mais ne représentent généralement qu’une “idée” très globale des habitudes alimentaires du pays (on reconnaît tout de même quelques fromages en France, bien qu’ils ne soient pas disposés en fonction de leur provenance. Mais où est la fourme de Montbrison?).


Le projet présenté par ses auteurs:


Découvrir les saveurs des pays que vous visitez constitue souvent un excellent moyen d’appréhender la complexité culturelle locale. Pour cette série, nous avons choisi des produits emblématiques des pays et continents et nous les avons transformées en cartes.


Nous avons voulu montrer 2 choses : D’abord la façon dont la nourriture a pu voyager jusqu’à devenir emblématique d’un pays qui n’était pas le sien au départ.  Nous savons par exemple que les tomates sont originaires de la Cordillère des Andes en Amérique du Sud mais aujourd’hui, le pays de la tomate, c’est l’Italie. Elle fait partie intégrante de son identité culturelle.


Et puis, nous avons aussi choisi également des produits emblématiques: le pain et le fromage pour la France par exemple, le citron vert pour le Brésil, etc..


Bref, ces cartes sont une représentation ludique de notre interprétation de la nourriture du monde entier, soigneusement créées avec de vrais aliments. Ce projet témoigne de l’universalité  de la nourriture, de la façon dont elle unit les gens. Elle nous rassemble et est toujours un bon sujet de conversation, quel que soit l’endroit où l’on se trouve. Nous espérons que ces cartes constitueront aussi un bon sujet de discussion.


D’autres cartes dans la même veine:


 


Carte alimentaire Nouvelle Zélande La Nouvelle Zélande


Carte alimentaire France La France


Carte alimentaire India L’Inde


 


Carte alimentaire Africa L’Afrique


Carte alimentaire Amérique Latine L’Amérique Latine


Carte alimentaire Australie L’Australie


Carte alimentaire Chine La Chine


Carte alimentaire Grande Bretagne La Grande Bretagne


Carte alimentaire Japan Le Japon


Carte alimentaire USA Les USA


Carte alimentaire Italie L’Italie


 


Ce petit article est certainement en grande partie conditionné par l’heure du repas qui approche (et l’envie de fromage qui va généralement avec).


Si vous voulez découvrir les autres projets de Henry Hargeaves c’est ici ou ceux de Caitlin Levin c’est par .


 



Les cartes alimentaires de Henry Hargeaves

Article publié sur le blog du site web de Pacha cartographie

lundi 17 mars 2014

Les cartes de pays imaginaires - Voyage dans les contrées de l'utopie

«Souvent, l’objet du désir, où le désir se transforme en espoir, devient plus réel que la réalité elle-même.”


Célèbre romancier italien, mais aussi philosophe, essayiste, critique littéraire, Umberto Eco a longtemps été fasciné par le symbolique et le métaphorique, qu’on retrouve par exemple dans ses livres pour enfants (les trois cosmonautes, la bombe du général,…).


Il revisite aujourd’hui ces allégories qui lui sont chères dans “Le Livre des terres légendaires”; un voyage illustré dans les plus grands lieux imaginaires de l’histoire, peuplés d’habitants fantaisistes et coutumes étranges, qui prennent place dans des lieux aussi différents que la mythique Atlantide ou le petit appartement de Sherlock Holmes. On peut également y découvrir le royaume de la Reine de Saba, celui du prêtre Jean, des îles de Gulliver, l’Eldorado et le Pays de Cocagne,…


Avec ce guide de l’imagination humaine, Eco tente de nous éclairer sur les raisons pour lesquelles ces utopies et dystopies (1) raisonnent en nous si puissamment et durablement. Ces visions du monde nous révèlent alors des éléments de notre relation avec la réalité et la manière dont nous cherchons continuellement à donner du sens au monde et y trouver notre place (définitions qui conviennent très bien au concept de la carte, objets de création de sens, de repères, que l’on applique à notre monde, au temps, aux émotions (2)).


Eco écrit dans l’introduction :


“Terres et lieux mythiques sont de différents types et ont seulement une caractéristique en commun: s’ils dépendent de légendes anciennes dont les origines se perdent dans la nuit des temps ou si elles sont l’effet d’une invention moderne, ils ont créé des flux de croyance.


La réalité de ces illusions est le sujet de ce livre”.


Cette belle balade dans la géographie des mythologies s’accompagne d’illustrations aussi remarquables que parfois déconcertantes. Een voici quelques unes:


Carte monde Abbaye de Saint Sever La carte du monde de l’Abbaye de Saint Sever, du “Beatus de Saint Sever” (1086), Paris, Bibliothèque nationale de France.


 


Carte TO Bartholomaeus Angelicus Carte en TO(3) de Bartholomaeus Angelicus, “Le livre des propriétés des choses” (1392).


Tobias Swinden Tobias Swinden, “An Enquiry into the Nature and Place of Hell’ (1714), Londres, Taylor.


Table de Peutinger Partie de la table de Peutinger (12ème siècle) (Tabula Peutingeriana ou Peutingeriana Tabula Itineraria), appelée aussi carte des étapes de Castorius, qui est une copie du 13ème siècle d’une ancienne carte romaine où figurent les routes et les villes principales de l’Empire romain qui constituaient le cursus publicus.


Plan de Palmanova Plan de Palmanova, de Franz Hogenberg et Georg Braun, ‘Civitates orbis terrarum’ (1572–1616), Nuremberg.


Eco considère l’attrait des utopies comme un manifestation de notre besoin de croire:


Souvent l’objet d’un désir, où le désir se transforme en espoir, devient plus réel que la réalité elle-même. Sur un espoir en un avenir possible, de nombreuses personnes sont prêtes à faire des sacrifices énormes, et peut-être même mourir, dirigés par des prophètes, des visionnaires, des prédicateurs charismatiques qui font miroiter à leurs fidèles des visions d’un futur paradis sur Terre (ou encore un peu plus loin…).


Jain Cosmological Map Anonyme, ‘Jain Cosmological Map’ (c. 1890), gouache sur toile, Bibliothèque du Congrès


Carte du monde d'Homère Carte du monde d’Homère, composée et dessinée par M.O. Mac Carthy.


Hartmann Schedel Carte du monde d’Hartmann Schedel, Nuremberg (1493),


l'Ile d'Utopia Carte grave sur bois, représentant l’Ile d’Utopia sur la couverture de la première éditionde l’Utopie de Thomas More (1516).


Il y a cependant une part de ténèbres inévitable aux utopies: la supposition du bonheur parfait peut devenir elle-même une forme lourde de l’oppression. Eco écrit:


“Nous ne voudrions pas toujours vivre dans ces sociétés utopiques car elles ressemblent souvent à des dictatures qui imposent le bonheur de leurs citoyens au prix de leur liberté. Par exemple, l’Utopie de Thomas More prêche la liberté de parole et de pensée ainsi que la tolérance religieuse, mais les limite aux croyants et en exclut les athées, exclus de la vie publique. Les déplacement sans laisser passer délivré par le magistrat suprême peuvent être sévèrement punis et même déboucher (si récidive) à une condamnation à l’esclavage. “En outre, les utopies ont la caractéristique commune d’être quelque peu répétitives, car en visant une société parfaite, on finit toujours par faire une copie du même modèle.”


20 000 lieux sous les mers Illustration pour le roman “20 000 lieux sous les mers” de Jules Verne (1869-1870).


l'Island d'Abraham Ortelius Carte de l’Island d’Abraham Ortelius (16ème siècle).


Cet ouvrage qui traque les rêves, les fantasmes et les cauchemars des hommes, tout en construisant une fascinante anthologie de la perception de ces autres mondes, est magnifique à tout point de vue. Il constitue avec le Codex Seraphinianus, la plus belle encyclopédie des choses imaginaires de l’histoire, et une étude de cas de la cartographie comme signalétique de l’âme.


 


 


(1): également appelée contre-utopie, récit de fiction peignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur. Une dystopie peut également être considérée comme une utopie qui vire au cauchemar et conduit donc à une contre-utopie.


(2): Ce dernier concept de carte émotionnelle est plus rare mais très intéressant. Je vais essayer de faire un article là-dessus rapidement.


(3): Une carte en T, ou carte en TO (TO pour Terrarum Orbis), était une représentation du monde connue au Moyen Âge. Sur la carte TO, tournée vers l’Orient, les trois continents connus formant l’écoumène, l’Asie, l’Europe et l’Afrique sont placés de part et d’autre de barres verticale et horizontale, formant un T.


Les citations d’Eco sont ici traduites de l’ouvrage anglais et peuvent parfois différer de la traduction française officielle.


De nombreux aspects de l’analyse de texte sont tirés de l’article de Maria Popova sur Brain Picking.


 



Les cartes de pays imaginaires - Voyage dans les contrées de l'utopie

Article publié sur le blog du site web de Pacha cartographie

mercredi 12 mars 2014

Une cartographie de Ganymède

Ganymède, la plus grande lune de notre système solaire, est cartographiée pour la première fois depuis sa découverte par Galilée il y a 400 ans (en 1610).


Cette carte géologique de cette lune de Jupiter (qui est plus grande que la planète Mercure: 5262 km de diamètre contre 4879), a été créée à partir d’observations des sondes jumelles de la NASA Voyager et Galileo orbiteur. Elle souligne l’incroyable variété de caractéristiques géologiques de Ganymède et nous éclaire sur le chaos apparent de sa surface. Les observations au cours des siècles montrent la présence de larges et sombres cratères ainsi que des régions plus jeunes marquée par de nombreuses gorges et crêtes. En fait trois grandes périodes géologiques ont façonnées les paysages de Ganymède: la première était dominée par les impacts et la formation de cratère, la seconde par une intense activité tectonique et la dernière par une forte réduction de l’activité.


D’après Robert Pappalardo, du laboratoire de la NASA à Pasadena, “l’objectif de cette carte publiée par l’US Geological Survey est d’aider les scientifiques planétaires à déchiffrer l’évolution de ce monde glacé et sera d’une grande aide pour les futures missions d’observation spatiales”.


Cette carte très détaillée a également permis de confirmer un certain nombre d’hypothèses scientifiques remarquables en ce qui concerne l’histoire géologique de ce monde mais aussi d’en infirmer certaines. Par exemple, les images les plus détaillées ont montrées que le cryovolcanisme (au lieu de lave, ces volcans éjectent des éléments volatils comme de l’eau, de l’ammoniac ou du méthane) était très rare sur Ganymède.


Elle pourrait aussi aider les scientifiques dans leur quête d’une vie extraterrestre… En effet, selon le directeur de l’USGS Astrogeology Science Center, après Mars l’intérieur des satellites glacés de Jupiter sont considérés comme les meilleurs candidats pour les environnements abritant la vie dans notre système solaire”.


La vidéo d’animation de la carte :